Qu'est ce que l'ergot, comment agir en prévention et comment le traiter. On vous dit tout !
Alors que la moisson est terminée dans de nombreuses régions céréalières, un champignon bien connu refait parler de lui : l’ergot. Ce pathogène, ancien mais toujours redoutable, a fait son retour dans plusieurs départements sur l'ensemble de la France. À l’échelle des exploitations, les conséquences sont concrètes : déclassement, refus de collecte, inquiétudes sanitaires et perte de valeur économique.

L’ergot se manifeste par la présence de sclérotes noirs qui remplacent les grains sur les épis. Ces structures contiennent des alcaloïdes toxiques pour l’homme comme pour les animaux. La réglementation européenne impose une limite de 0,2 gramme par kilo pour les céréales destinées à l’alimentation humaine, et de 1 gramme par kilo pour les productions animales. Au-delà de ces seuils, les lots sont automatiquement non conformes. Tous les types de céréales peuvent être touchés, mais les plus sensibles sont, dans l’ordre : le seigle, le triticale, l’orge, le blé tendre, le blé dur et l’avoine.
Cette résurgence en 2025 s’explique d’abord par un enchaînement climatique particulièrement favorable au développement du champignon. Un hiver froid, suivi d’un printemps humide et doux, a prolongé la période de floraison des céréales. Cela a laissé davantage de temps au champignon pour infecter les fleurs, en particulier dans les situations où la fécondation était ralentie, par exemple en cas de carence en cuivre. À cela s’ajoute la présence non négligeable de graminées adventices comme le vulpin ou le ray-grass dans ou en bordure de parcelles. Ces espèces sensibles peuvent servir de relais pour le pathogène, facilitant sa dissémination d’une campagne à l’autre.
La prévention est aujourd’hui la meilleure arme contre l’ergot.
Cela commence par le choix de semences saines, certifiées ou soigneusement triées pour éliminer toute présence de sclérotes. Sur les parcelles déjà touchées, une pause d’au moins deux ans sans céréales à paille est fortement recommandée. Le recours à des cultures non hôtes, comme les légumineuses ou les oléagineux, permet de casser le cycle du champignon. Le travail du sol joue également un rôle clé. Un labour profond permet d’enfouir les sclérotes à plus de dix centimètres de profondeur, seuil en dessous duquel ils ne peuvent plus germer. En revanche, les années suivantes, il est préférable d’éviter de retourner la terre à nouveau en profondeur, au risque de faire remonter les sclérotes viables à la surface. Une stratégie de travail superficiel s’impose donc à moyen terme.
La gestion des bordures de champ et des adventices ne doit pas être négligée. Le fauchage en début de floraison des graminées spontanées permet de limiter la pression du champignon. Un désherbage rigoureux à l’intérieur des parcelles, en particulier sur les espèces sensibles, complète utilement cette démarche. En cas de contamination, plusieurs options techniques existent pour réduire la présence de sclérotes dans la récolte.
L’utilisation d’un nettoyeur-séparateur, avec un débit ralenti et des grilles adaptées, permet de réduire d’environ 40 % la teneur en sclérotes. Les trieurs optiques ou les tables densimétriques offrent de bien meilleures performances, avec une élimination de plus de 95 %, mais leur accès reste limité du fait de leur coût et de leur faible capacité de traitement. Pour les éleveurs, l’autoconsommation de grains contaminés est fortement déconseillée. Les alcaloïdes présents dans les sclérotes sont toxiques même à faible dose, et peuvent entraîner des troubles sévères chez les animaux.
Il faut retenir qu'une fois une parcelle contaminée, son assainissement est une affaire de long terme. Les sclérotes peuvent rester viables dans le sol pendant deux ans. L’éradication de l’ergot passe donc par une stratégie agronomique rigoureuse et suivie, associée à une bonne coordination à l’échelle de l’exploitation ou d’un groupe d’agriculteurs. La campagne 2025 rappelle que certaines maladies, que l’on croyait secondaires ou sous contrôle, peuvent resurgir rapidement dès que les conditions leur sont favorables. Plus que jamais, la vigilance au champ, le raisonnement des pratiques et la prévention collective sont indispensables pour maintenir la qualité sanitaire des récoltes.